vendredi 29 mars 2019

Tenerife – Madrid - Genève…


    Un rêve perdure au lever à six heures… où j’assiste à une fête commémorative de la sépulture de Claudius. Deux hommes habillés comme lui sont les vedettes de cette cérémonie où je verse des larmes… Les rites matinaux, en équilibre sur la lame du temps qui s’apprête à trancher le fil des trois mois à Icod, précède le petit déjeuner où je lance une sauvegarde. Un sms de Penelope se dévoile. Lors de ma présence sur le balcon, le soleil brille dans le ciel bleu où les nuées se promènent. Je consulte les messageries et les blogs de Patrick. Les huit heures quarante-cinq s’éloignent. Nous finissons la préparation des bagages. Je prends des photos de l’appartement propre et rangé comme à notre arrivée.

   Nous quittons notre « chez nous » à Icod à neuf heures quarante. Nous nous arrêtons cinq minutes plus tard à la station d’essence Disa, sur l’avenida Príncipe de España. C’est la cinquième venue depuis notre arrivée sur l’île. Kevin remplit le réservoir qui est encore à moitié plein. Nous prenons la direction de Santa Cruz. Les dix heures pointent leur nez quand nous roulons devant le panneau « Barranco Ruiz ». La richesse géographique de l’île est telle que, malgré nos nombreux périples, ce ravin, frôlé bien des fois lors de nos trajets vers La Orotava, reste encore à découvrir. Le « barranco » [ravin] très raide, qui sépare les municipalités de Los Realejos et de San Juan de la Rambla, remonterait à trois millions d’années. Il sera donc encore là lors d’un autre voyage sur l’île. Il se présente comme une large et profonde gorge qui descend des hautes terres de Tenerife. Il tient son nom de Francisco de Ruiz qui, au seizième siècle, acheta une vaste propriété à Doña Maria de Abarca qui l'avait héritée d’un conquérant de Tenerife. Le ravin faisait partie du  domaine…

   Une vingtaine de minutes plus tard, nous arrivons à l’aéroport de Tenerife Norte Los Rodeos. Dans le rond-point après la sortie de l’autoroute, les orques du « Loro Parque », tous comme les animaux du « Oasis Parque La Lajíta » de Fuerteventura, souhaitent sur un large panneau la bienvenue aux touristes qui arrivent. Plus avant, un autre panneau fleuri évoque les « Tajinastes [vipérines] en Flor » au parc national « Las Cañadas del Teide ». Nous nous souvenons de celles que nous avons admirées le lundi 11 mars à Vilaflor. Patrick gare la voiture sur le parking du loueur Hertz. Nous passons ensuite au guichet où Montse est en congé. Une dame s’occupe de finaliser la transaction suite aux quelque trois mois de location. Nous nous approchons à dix-heures quarante du comptoir numéro neuf d’Iberia Express pour enregistrer les bagages. Une employée nous informe que l’enregistrement commence à midi. Nous nous installons à une grande table devant le « Ínsula Café » au rez-de-chaussée du terminal. J’achève la narration de la journée de mercredi. Un quart d’heure avant midi, nous sommes les premiers voyageurs à attendre devant le comptoir du vol IB3937 à destination de Madrid. Rapidement, une file d’attente se constitue derrière nous. Nous attendons. Soudain, les nuages lâchent des trombes d’eau. Un bourdonnement envahit le hall sphérique construit sur trois niveaux. Mercedes, une dame aux cheveux noirs avec un chignon sur la tête, procède à l’enregistrement des deux valises. Le contrôle des bagages à main se déroule rapidement et facilement. Nous montons par un escalier mécanique au second niveau, où se situent les salles d’embarquement, pour nous rendre dans la « sala vip ». Toutefois, elle demeure introuvable. Nous nous adressons à une commerçante. La compréhension de mes propos en anglais lui échappe. Elle est désolée de ne pouvoir nous aider. Quand nous sortons de la boutique, la dame nous fait signe de revenir. Patrick passe derrière le comptoir. Avec des gestes explicites, elle l’invite à effectuer une recherche sur Internet. Quand le nom de la « Sala vip Nivaria » apparaît sur l’écran, son visage s’anime et elle est satisfaite de pouvoir nous indiquer son emplacement. Le salon se situe sur une mezzanine au niveau inférieur accessible par un escalier. Nous entrons à midi vingt avec nos cartes Priority Pass. La nourriture proposée étant industrielle et riche en additifs chimiques, je remonte au second niveau pour acheter deux sandwiches au café Ritazza, repéré pendant notre tâtonnement. Maria Fátima passe au gril de contact électrique, dans leur sachet, les deux « Bocadillos con tortilla Y piquillo » que j’ai choisi. Le « piquillo » est un poivron, à la couleur rouge intense, épépiné et pelé, grillé au feu de bois. Nous savourons les sandwiches, assis sur une banquette aux coussins gris clair et aux tablettes latérales en bois clair. Je bois ensuite une manzanilla avant de me rendre dans l’espace informatique du salon où je peux œuvrer sur l’ordinateur.

    À treize heures quarante-cinq, nous embarquons à la porte B23. Un couple de francophones de la région parisienne nous suit dans la file d’attente ; nous échangeons quelques mots. Alejandro nous accueille dans l’avion. Après quelque quatre cents kilomètres parcourus à pied sur l’île et quelque deux mille sept cents kilomètres à rouler sur les belles routes de Tenerife, nous nous envolons vers notre futur. Le capot rouge de la nacelle de droite qui protège un des deux moteurs de l’Airbus A320 participe aux photos prises par Patrick depuis le hublot. Durant le vol, qui va durer un peu moins de trois heures, il se détend sur l’iPad avec la série Colony, dont des épisodes ont été chargés sur Netflix avant de quitter l’île. De mon côté, je lis sur le Kindle, je joue ensuite sur l’iPhone et je finis le vol dans le farniente devant l’inconfort qui nuit à la concentration. La place pour les jambes est limitée. Mes genoux touchent l’arrière du siège de devant ; le contenu du vide-poche ayant été mis dans celui devant Patrick dès le décollage. Mon mari nous compare à des sardines dans une boîte. À dix-sept heures quarante-cinq, heure locale, [une heure de plus qu’à Tenerife], nous marchons dans le hall, à la lumière naturelle optimisée, du terminal quatre de l’aéroport de Madrid-Barajas que je trouve superbe chaque fois que nous y sommes. Les tôles ondulées de la toiture en lamelles de bambou, aux arches munies de lucarnes circulaires, s’apparentent à des vagues. Tels des arbres, les piliers centraux en béton lancent leurs branches inclinées en acier qui se déclinent tour à tour dans les couleurs de l’arc-en-ciel. L’ensemble, avec les façades en verre qui regardent les pistes, confère une sensation d’espace, de bien-être et de tranquillité. Nous nous rendons dans le salon baptisé « Plaza Mayor ». Nous passons devant chez Paul avant de franchir les portes coulissantes et de présenter notre carte Priority Pass. Nous nous installons à la grande table commune pour pouvoir œuvrer sur nos ordinateurs. Je sirote de la manzanilla tout en écrivant sur le chronojournal. Tout comme pour l’aller, nous recevons un sms de Iberia qui nous indique la porte J40 pour l’embarquement. La page de mercredi est actualisée sur le blog vers dix-neuf heures. Nous dînons. Je croque une pomme rouge dont j’enlève la pelure. Je savoure un petite cake artisanal, un cupcake au chocolat et un croissant avec les rondelles de la banane emportée dans le précédent salon. Un yaourt Pastoret à la fraise participe au repas. Patrick, après deux petits sandwiches, s’offre un yaourt nature où il ajoute des morceaux de fruits préemballés.

   Avant de quitter le salon, je photographie les écrans d’affichage dynamique des « salidas » [départs]. Dans la colonne des observations du vol IB3482 pour « Ginebra » [Genève], je lis les mots « dirijase a su puerta » [dirigez-vous vers votre porte]. Nous intégrons la file d’attente du  « Grupo 3 » qui correspond aux sièges à l’avant de la cabine. Les passagers des groupes un et deux entrent en premier pour s’asseoir à l’arrière de l’appareil. Au bout de la passerelle, trois personnes ne peuvent embarquer par manque de place dans les portes bagages pour mettre leur valise-cabine. Le couple devant nous, muni de deux gros sacs, insiste pour monter à bord, probablement en raison du fait que leurs valises sont dans la soute. Le steward qui m’accueille me fait une petite tape sur l’épaule en me disant : « Buenas tardes señor » [Bonsoir monsieur]. Comme souvent, les resquilleurs sont déjà assis dans notre secteur. Le porte-bagages au-dessus de nos sièges est plein. Je parviens toutefois à y glisser l’ordinateur protégé dans sa housse et mon manteau coloré. Patrick réussit à mettre le sac rouge sous les sièges. Je pose entre mes pieds la trousse de toilette qui contient les deux tasses rouges achetées chez Rocasa. L’avion décolle avec trente minutes de retard. Une photo prise depuis le hublot montre les entrelacs lumineux de Madrid qui se répandent au sol comme une grosse toile d’araignée. Le jeune homme assis à ma gauche, à la barbe bien noire, s’achète un Coca-Cola. Il œuvre sur son ordinateur, sur ce qui ressemble à la messagerie Outlook, tout en consultant des données sur son smartphone. Parfois, il pousse un soupir. Comme durant le premier vol, les smartphones, les tablettes, les liseuses et les ordinateurs envahissent l’espace. Les écrans allumés éclairent les visages dans la cabine à la lumière tamisée. Le nom Manuel Zapata, très répandu, apparaît au bas de l’écran quand mon voisin éteint son ordinateur pour l’atterrissage. L’avion se pose à vingt-deux heures trente-cinq sur le tarmac balisé de lumières de l’aéroport de Genève. Dans la zone d’arrivée, Patrick reconnaît devant le carrousel à bagages les trois jeunes refoulés à l’embarquement. Nous sommes ravis qu’ils aient pu monter à bord de l’avion. Les vingt-trois heures sont déjà loin quand nous montons à bord de la navette où Joël nous attend du côté français de l’aéroport. À sa demande, nous lui racontons des épisodes de nos découvertes sur l’île. Nous arrivons au dôme une trentaine de minutes plus tard. Le voyage hivernal se termine. Amis de longue date, Joël et moi nous nous faisons la bise. Les souvenirs de Tenerife, riches de magnifiques paysages, baignent agréablement l’esprit. En montant la passerelle, je me souviens quand je marchais main dans la main avec Patrick en revenant le long du littoral à Los Silos. Un endroit idyllique où les vagues jaillissantes furent complices de notre amour. Il y a dans cette seconde de souvenir une quantité infinie de beauté qui échappe au continuum temporel…