Un
rêve perdure au lever à six heures… où
j’assiste à une fête commémorative de la sépulture de Claudius. Deux hommes habillés
comme lui sont les vedettes de cette cérémonie où je verse des larmes… Les
rites matinaux, en équilibre sur la lame du temps qui s’apprête à trancher le
fil des trois mois à Icod, précède le petit déjeuner où je lance une
sauvegarde. Un sms de Penelope se dévoile. Lors de ma présence sur le balcon,
le soleil brille dans le ciel bleu où les nuées se promènent. Je consulte les
messageries et les blogs de Patrick. Les huit heures quarante-cinq s’éloignent.
Nous finissons la préparation des bagages. Je prends des photos de
l’appartement propre et rangé comme à notre arrivée.
Nous
quittons notre « chez nous » à Icod à neuf heures quarante. Nous nous
arrêtons cinq minutes plus tard à la station d’essence Disa, sur l’avenida
Príncipe de España. C’est la cinquième venue depuis notre arrivée sur l’île. Kevin
remplit le réservoir qui est encore à moitié plein. Nous prenons la direction
de Santa Cruz. Les dix heures pointent leur nez quand nous roulons devant le
panneau « Barranco Ruiz ». La richesse géographique de l’île est telle
que, malgré nos nombreux périples, ce ravin, frôlé bien des fois lors de nos
trajets vers La Orotava, reste encore à découvrir. Le « barranco » [ravin] très
raide, qui sépare les municipalités de Los Realejos et de San Juan de la
Rambla, remonterait à trois millions d’années. Il sera donc encore là lors d’un
autre voyage sur l’île. Il se présente comme une large et profonde gorge qui
descend des hautes terres de Tenerife. Il tient son nom de Francisco de Ruiz
qui, au seizième siècle, acheta une vaste propriété à Doña Maria de Abarca qui
l'avait héritée d’un conquérant de Tenerife. Le ravin faisait partie du domaine…
Une
vingtaine de minutes plus tard, nous arrivons à l’aéroport de Tenerife Norte
Los Rodeos. Dans le rond-point après la sortie de l’autoroute, les orques du
« Loro Parque », tous comme les animaux du « Oasis Parque La Lajíta » de
Fuerteventura, souhaitent sur un large panneau la bienvenue aux touristes qui
arrivent. Plus avant, un autre panneau fleuri évoque les « Tajinastes
[vipérines] en Flor » au parc national « Las Cañadas del Teide ». Nous nous
souvenons de celles que nous avons admirées le lundi 11 mars à Vilaflor.
Patrick gare la voiture sur le parking du loueur Hertz. Nous passons ensuite au
guichet où Montse est en congé. Une dame s’occupe de finaliser la transaction suite
aux quelque trois mois de location. Nous nous approchons à dix-heures quarante
du comptoir numéro neuf d’Iberia Express pour enregistrer les bagages. Une employée
nous informe que l’enregistrement commence à midi. Nous nous installons à une
grande table devant le « Ínsula Café » au rez-de-chaussée du terminal. J’achève
la narration de la journée de mercredi. Un quart d’heure avant midi, nous
sommes les premiers voyageurs à attendre devant le comptoir du vol IB3937 à
destination de Madrid. Rapidement, une file d’attente se constitue derrière
nous. Nous attendons. Soudain, les nuages lâchent des trombes d’eau. Un
bourdonnement envahit le hall sphérique construit sur trois niveaux. Mercedes,
une dame aux cheveux noirs avec un chignon sur la tête, procède à
l’enregistrement des deux valises. Le contrôle des bagages à main se déroule
rapidement et facilement. Nous montons par un escalier mécanique au second
niveau, où se situent les salles d’embarquement, pour nous rendre dans la «
sala vip ». Toutefois, elle demeure introuvable. Nous nous adressons à une
commerçante. La compréhension de mes propos en anglais lui échappe. Elle est
désolée de ne pouvoir nous aider. Quand nous sortons de la boutique, la dame
nous fait signe de revenir. Patrick passe derrière le comptoir. Avec des gestes
explicites, elle l’invite à effectuer une recherche sur Internet. Quand le nom de
la « Sala vip Nivaria » apparaît sur l’écran, son visage s’anime et
elle est satisfaite de pouvoir nous indiquer son emplacement. Le salon se situe
sur une mezzanine au niveau inférieur accessible par un escalier. Nous entrons
à midi vingt avec nos cartes Priority Pass. La nourriture proposée étant
industrielle et riche en additifs chimiques, je remonte au second niveau pour
acheter deux sandwiches au café Ritazza, repéré pendant notre tâtonnement.
Maria Fátima passe au gril de contact électrique, dans leur sachet, les deux «
Bocadillos con tortilla Y piquillo » que j’ai choisi. Le « piquillo » est un
poivron, à la couleur rouge intense, épépiné et pelé, grillé au feu de bois.
Nous savourons les sandwiches, assis sur une banquette aux coussins gris clair
et aux tablettes latérales en bois clair. Je bois ensuite une manzanilla avant
de me rendre dans l’espace informatique du salon où je peux œuvrer sur
l’ordinateur.
À
treize heures quarante-cinq, nous embarquons à la porte B23. Un couple de
francophones de la région parisienne nous suit dans la file d’attente ; nous
échangeons quelques mots. Alejandro nous accueille dans l’avion. Après quelque
quatre cents kilomètres parcourus à pied sur l’île et quelque deux mille sept
cents kilomètres à rouler sur les belles routes de Tenerife, nous nous envolons
vers notre futur. Le capot rouge de la nacelle de droite qui protège un des
deux moteurs de l’Airbus A320 participe aux photos prises par Patrick depuis le
hublot. Durant le vol, qui va durer un peu moins de trois heures, il se détend
sur l’iPad avec la série Colony, dont des épisodes ont été chargés sur Netflix
avant de quitter l’île. De mon côté, je lis sur le Kindle, je joue ensuite sur
l’iPhone et je finis le vol dans le farniente devant l’inconfort qui nuit à la
concentration. La place pour les jambes est limitée. Mes genoux touchent
l’arrière du siège de devant ; le contenu du vide-poche ayant été mis dans
celui devant Patrick dès le décollage. Mon mari nous compare à des sardines
dans une boîte. À dix-sept heures quarante-cinq, heure locale, [une heure de
plus qu’à Tenerife], nous marchons dans le hall, à la lumière naturelle
optimisée, du terminal quatre de l’aéroport de Madrid-Barajas que je trouve
superbe chaque fois que nous y sommes. Les tôles ondulées de la toiture en lamelles
de bambou, aux arches munies de lucarnes circulaires, s’apparentent à des vagues.
Tels des arbres, les piliers centraux en béton lancent leurs branches inclinées
en acier qui se déclinent tour à tour dans les couleurs de l’arc-en-ciel.
L’ensemble, avec les façades en verre qui regardent les pistes, confère une
sensation d’espace, de bien-être et de tranquillité. Nous nous rendons dans le salon
baptisé « Plaza Mayor ». Nous passons devant chez Paul avant de franchir les
portes coulissantes et de présenter notre carte Priority Pass. Nous nous
installons à la grande table commune pour pouvoir œuvrer sur nos ordinateurs.
Je sirote de la manzanilla tout en écrivant sur le chronojournal. Tout comme
pour l’aller, nous recevons un sms de Iberia qui nous indique la porte J40 pour
l’embarquement. La page de mercredi est actualisée sur le blog vers dix-neuf heures.
Nous dînons. Je croque une pomme rouge dont j’enlève la pelure. Je savoure un
petite cake artisanal, un cupcake au chocolat et un croissant avec les
rondelles de la banane emportée dans le précédent salon. Un yaourt Pastoret à
la fraise participe au repas. Patrick, après deux petits sandwiches, s’offre un
yaourt nature où il ajoute des morceaux de fruits préemballés.
Avant
de quitter le salon, je photographie les écrans d’affichage dynamique des «
salidas » [départs]. Dans la colonne des observations du vol IB3482 pour
« Ginebra » [Genève], je lis les mots « dirijase a su puerta »
[dirigez-vous vers votre porte]. Nous intégrons la file d’attente du « Grupo 3 » qui correspond aux sièges à
l’avant de la cabine. Les passagers des groupes un et deux entrent en premier
pour s’asseoir à l’arrière de l’appareil. Au bout de la passerelle, trois
personnes ne peuvent embarquer par manque de place dans les portes bagages pour
mettre leur valise-cabine. Le couple devant nous, muni de deux gros sacs,
insiste pour monter à bord, probablement en raison du fait que leurs valises
sont dans la soute. Le steward qui m’accueille me fait une petite tape sur
l’épaule en me disant : « Buenas tardes señor » [Bonsoir monsieur]. Comme
souvent, les resquilleurs sont déjà assis dans notre secteur. Le porte-bagages
au-dessus de nos sièges est plein. Je parviens toutefois à y glisser l’ordinateur
protégé dans sa housse et mon manteau coloré. Patrick réussit à mettre le sac
rouge sous les sièges. Je pose entre mes pieds la trousse de toilette qui
contient les deux tasses rouges achetées chez Rocasa. L’avion décolle avec
trente minutes de retard. Une photo prise depuis le hublot montre les entrelacs
lumineux de Madrid qui se répandent au sol comme une grosse toile d’araignée.
Le jeune homme assis à ma gauche, à la barbe bien noire, s’achète un Coca-Cola.
Il œuvre sur son ordinateur, sur ce qui ressemble à la messagerie Outlook, tout
en consultant des données sur son smartphone. Parfois, il pousse un soupir. Comme
durant le premier vol, les smartphones, les tablettes, les liseuses et les
ordinateurs envahissent l’espace. Les écrans allumés éclairent les visages dans
la cabine à la lumière tamisée. Le nom Manuel Zapata, très répandu, apparaît au
bas de l’écran quand mon voisin éteint son ordinateur pour l’atterrissage.
L’avion se pose à vingt-deux heures trente-cinq sur le tarmac balisé de lumières
de l’aéroport de Genève. Dans la zone d’arrivée, Patrick reconnaît devant le
carrousel à bagages les trois jeunes refoulés à l’embarquement. Nous sommes
ravis qu’ils aient pu monter à bord de l’avion. Les vingt-trois heures sont déjà loin
quand nous montons à bord de la navette où Joël nous attend du côté français de
l’aéroport. À sa demande, nous lui racontons des épisodes de nos découvertes
sur l’île. Nous arrivons au dôme une trentaine de minutes plus tard. Le voyage
hivernal se termine. Amis de longue date, Joël et moi nous nous faisons la
bise. Les souvenirs de Tenerife, riches de magnifiques paysages, baignent
agréablement l’esprit. En montant la passerelle, je me souviens quand je
marchais main dans la main avec Patrick en revenant le long du littoral à Los
Silos. Un endroit idyllique où les vagues jaillissantes furent complices de
notre amour. Il y a dans cette seconde de souvenir une quantité infinie de
beauté qui échappe au continuum temporel…